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Introduction

Ernst Ludwig Kirchner (1880–1938) compte parmi les artistes majeurs de l’expressionnisme allemand. De son vivant déjà, il bénéficie d’une renommée internationale . Après son installation en Suisse en 1917, son style se transforme nettement. Dans le même temps, Kirchner éprouve de plus en plus le besoin d’expliquer son art. À l’aide de lettres, de textes rédigés sous pseudonyme et de prises de position personnelles, il tente de guider l’interprétation de ses œuvres et de faire valoir son rôle au sein de l’art moderne.

La grande rétrospective de 1933 à la Kunsthalle Bern – l’exposition la plus vaste de son vivant – marque un moment capital, peu considéré jusqu’ici, de cette auto- mise en scène. Kirchner en assure lui-même le commissariat : il sélectionne les œuvres, décide de leur accrochage, conçoit l’affiche ainsi que le catalogue avec Max Huggler (1903–1994), responsable de la Kunsthalle et, à partir de 1944, directeur du Kunstmuseum Bern.

L’exposition Kirchner × Kirchner prend comme point de départ cet événement historique en mettant l’accent sur la perspective de l’artiste sur son œuvre. Elle présente pour la première fois Kirchner comme concepteur d’exposition et commissaire de l’ensemble de son œuvre. Pour Kirchner, la présentation de ses œuvres était une composante de l’art lui-même, comme le souligne l’exposition.

Le Kunstmuseum Bern invite le public à redécouvrir l’œuvre de Kirchner et à rencontrer de manière insolite l’un des artistes les plus importants du 20e siècle.

Repères biographiques

Aura Hertwig-Brendel. Portrait d’Ernst Ludwig Kirchner (extrait), 1913/14, Photographie. Succession Ernst Ludwig Kirchner © Nachlass Ernst Ludwig Kirchner, courtesy Galerie Henze & Ketterer, Wichtrach/BernErnst Ludwig Kirchner naît le 6 mai 1880 à Aschaffenbourg et grandit à Chemnitz. Après des études d’architecture à Dresde, il fonde le groupe d’artistes Die Brücke avec Erich Heckel, Karl Schmidt-Rottluff et Fritz Bleyl en 1905, qui vise à élaborer un style expressif et sans détours, au-delà des conventions académiques.

En 1911, Kirchner s’installe à Berlin où la vie métropolitaine marque son art. Le groupe d’artistes Die Brücke se dissout en 1913, notamment en raison de tensions grandissantes entre ses membres. Dès le début de la Première Guerre mondiale, Kirchner se porte volontaire pour le service militaire en 1915, mais s’effondre physiquement et moralement. À partir de 1917, il séjourne pour la première fois à Davos, où il effectue une cure de repos, avant de s’y établir durablement en 1918. La nature et la vie paysanne deviennent des motifs centraux de son travail.

Après la prise de pouvoir par les nazis en 1933, l’art de Kirchner est progressivement proscrit. Plus de 600 de ses œuvres sont confisquées et nombre d’entre elles sont publiquement discréditées lors de l’exposition de propagande Art dégénéré. Le 15 juin 1938, Kirchner se suicide à Frauenkirch près de Davos.

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Aura Hertwig-Brendel. Portrait d’Ernst Ludwig Kirchner (extrait), 1913/14, Photographie. Succession Ernst Ludwig Kirchner © Nachlass Ernst Ludwig Kirchner, courtesy Galerie Henze & Ketterer, Wichtrach/Bern

I. Le Kirchner des débuts

Durant ses années d’appartenance au groupe d’artistes Die Brücke (1905–1913), Ernst Ludwig Kirchner élabore un style expressif avec des couleurs lumineuses, des formes puissantes et des lignes agitées. Parmi ses motifs favoris figurent des scènes de la vie métropolitaine – des gens en mouvement, des regards furtifs, de brèves rencontres –, mais aussi des cirques, des dancings et des cafés. Ces lieux semblables à des scènes de mascarade sont le reflet d’une société moderne, infatigable.

En contrepoids, Kirchner représente des nus dans l’intimité qui résultent souvent de mises en scène avec des ami·es. Ici également, les corps demeurent en mouvement – bruts, directs et libérés des normes sociales. Dans les tableaux de paysage de ces années-là, en revanche, son désir d’authenticité et d’une vie en harmonie avec la nature se précise. Ils évoquent un monde tranquille aux antipodes du dynamisme de la métropole.

Les œuvres de la période Die Brücke sont considérées comme l’apogée de son art. Après 1920, Kirchner en retouche cependant un bon nombre et antidate même plusieurs travaux ultérieurement. Certains tableaux ont été endommagés durant le déménagement de Berlin à Davos, d’autres ne satisfont plus à ses nouvelles exigences. Il se peut qu’il cherche également à se démarquer de ses anciens collègues de Die Brücke et qu’il souhaite se poser comme précurseur de l’art moderne. Les œuvres retouchées donnent l’impression d’être plus structurées : avec des formes plus nettes et des aplats plus homogènes, elles se rapprochent de l’esthétique des années 1920. Ainsi, Kirchner imagine rétrospectivement une évolution artistique cohérente de son travail.

II. Une clé de compréhension pour l'œuvre

La rétrospective de 1933 à la Kunsthalle Bern souligne l’importance accordée par Kirchner à ses travaux sur papier : il y présente près de 130 dessins au niveau inférieur, ainsi qu’une sélection de 49 œuvres d’art graphique à la galerie Gutekunst & Klipstein. Pour lui, ces œuvres constituent une clé pour comprendre son travail.

Jusqu’à aujourd’hui, les dessins et gravures de Kirchner comptent parmi ses contributions majeures à l’art moderne. Il y condense ses idées artistiques avec une clarté radicale et y recherche de nouvelles formes d’expression pour les lignes, les surfaces et les couleurs. Pour lui, il s’agit d’œuvres d’art autonomes qui mettent en évidence les thèmes centraux et les transformations stylistiques de son travail.

Entre 1907 et 1914, Kirchner développe un langage pictural expressif, unique en son genre. Ses motifs reflètent des périodes de sa vie à Dresde, aux bords des étangs de Moritzburg, à Berlin et sur l’île de Fehmarn – de la vie palpitante dans la grande ville au calme de la nature. Cependant, cette évolution stylistique obéit davantage à une logique artistique propre qu’à ces étapes biographiques.

Après son installation en Suisse en 1917, le spectre de ses motifs s’élargit pour inclure des scènes de la vie paysanne, des animaux ainsi que le paysage alpin. Sur le plan formel, Kirchner renoue toutefois avec ses premiers travaux. Les œuvres qui voient le jour à Stafelalp, un hameau situé au-dessus de Davos, paraissent à la fois dynamiques et nerveuses, tout en étant plus précises et plus sereines dans leur composition.

III. L'exposition de 1933

Ernst Ludwig Kirchner envisage le fait d’exposer comme une composante de sa production artistique. Il ne souhaite pas simplement montrer ses œuvres, mais les organiser de manière réfléchie, les mettre en relation avec la salle et les visiteur·euses. Plutôt que de suivre un déroulement chronologique, il s’agit pour lui davantage de mettre en évidence des liens thématiques, formels et chromatiques.

L’exposition Kirchner × Kirchner s’appuie sur la rétrospective Kirchner de 1933 à la Kunsthalle Bern : on y voit des couples d’œuvres accrochés comme à l’époque, des axes spécifiques reliant des motifs à travers plusieurs salles, les couleurs et les contrastes sciemment mis en scène. Cela rend manifeste la manière dont Kirchner appréhendait l’accrochage de ses œuvres : telle une composition artistique, intuitive et vivante.

Les œuvres présentées dans cette salle, issues des années suisses (1917–1932), figuraient dans l’exposition de 1933 – tantôt durablement, tantôt provisoirement, certaines en toile de fond seulement, puisque des œuvres furent vendues et remplacées au cours de l’exposition. Kirchner peignait non seulement la nature alpine et la vie paysanne, mais aussi le Davos moderne avec ses patineur·euses, ses danseur·euses, des scènes de rue et l’architecture alpestre moderne, comme le montre la sélection d’œuvres. Dans l’exposition de 1933, les portraits et les nus prédominaient. Cet axe principal demeure perceptible dans Kirchner × Kirchner et est souligné par l’image que Kirchner se fait de lui-même en tant que peintre figuratif.

La réunion du monumental couple d’œuvres Alpsonntag. Szene am Brunnen [Dimanche sur l’Alpe. Scène près de la fontaine] (1923–24 / vers 1929) et Sonntag der Bergbauern [Dimanche des paysans de montagne] (1923–24 / 1926) constitue un temps fort de l’exposition. En 1933, ces deux peintures ouvrirent la rétrospective à la Kunsthalle Bern où elles étaient accrochées côte à côte dans le hall. Bien que se faisant pendant, elles ne furent plus jamais exposées conjointement. Alpsonntag. Szene am Brunnen fut acquis par le Kunstmuseum Bern la même année (unique acquisition d’un tableau par un musée suisse du vivant de Kirchner). Après la mort de l’artiste, Sonntag der Bergbauern demeura d’abord dans sa succession durant des décennies, avant d'appartenir à la collection fédérale d'art de la République fédérale d'Allemagne depuis le milieu des années 1980. Le fait que cette œuvre installée durablement à la Chancellerie fédérale ait été prêtée pour cette exposition constitue une exception rare et notable.

IV. Portraits, nus et danse

L’humain figure au centre de la production artistique d’Ernst Ludwig Kirchner, comme l’attestent les travaux sur papier des années 1905 à 1933 présentés ici. Les portraits, les nus et les scènes de danse figurent parmi ses motifs récurrents. Ils reflètent l’évolution continue de son style ainsi que le regard qu’il porte sur le corps humain.

Kirchner voit dans l’humain l’origine de tout art. Pour lui, c’est l’expression, l’expérience intérieure qui est déterminante, davantage que la ressemblance extérieure. En quête d’une vérité plus profonde, en particulier dans ses portraits, les visages de ses modèles ne montrent  pas de précision anatomique, mais des états émotionnels et des particularités de caractère.

Ses nus rompent également avec la tradition académique. Au lieu de corps idéalisés, Kirchner présente la nudité de manière directe, avec sensualité, dans l’atelier ou la nature, souvent dans une atmosphère décontractée. L’artiste renonce à des détails naturalistes et privilégie une expression immédiate.

Kirchner trouve dans la danse un motif essentiel pour représenter le mouvement et le rythme. Qu’il s’agisse de music-hall, de danse expressive ou de formes rituelles, le corps dansant devient le symbole d’une énergie vitale. À l’aide de quelques lignes seulement, il saisit des moments fugaces qu’il condense plus tard en signes expressifs empreints d’un mouvement dynamique.

V. Une œuvre tardive visionnaire

Les œuvres qu’Ernst Ludwig Kirchner réalise à Davos à partir du milieu des années 1920 sont longtemps considérées comme hétéroclites et moins significatives. Toutefois, l’artiste lui-même perçoit cette période différemment en désignant l’année 1933 comme le point culminant de son œuvre.

Les peintures présentées dans cette salle ont vu le jour entre 1924 et 1933. À cette époque, Kirchner élabore un nouveau langage visuel qu’il définit lui-même comme Nouveau style. La force expressive, spontanée de la période Die Brücke laisse place à un vocabulaire formel apaisé, abstractif. Il se caractérise par des contours clairement définis, des surfaces arrondies et une homogénéité compositionnelle. Des couleurs éclatantes, des lignes vibrantes et des formes épaissies de manière symbolique confèrent à de nombreux tableaux une dimension presque visionnaire.

En 1933, Kirchner insiste autant sur la faculté de son art à se transformer que sur la continuité intérieure de son œuvre. Dans son œuvre tardive également, il s’attache à condenser perception subjective et expérience existentielle – avec des moyens d’expression qu’il perçoit comme actuels. Dans le catalogue de l’exposition de 1933, Kirchner décrit cette phase – sous le pseudonyme de Louis de Marsalle – comme un moment de réflexion intérieure et de développement artistique. En 1927, il notait déjà dans son journal :

« Je parviens de plus en plus à clarifier et à définir mon travail. J’en comprends le caractère de nouveauté présent depuis le commencement. »

 

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Programme d'accompagnement

Visites guidées

Visite de l'exposition
mardi, 18:00 : 30 septembre 2025
dimanche, 11:30 : 14 décembre 2025

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Atelier bilingue / zweisprachiger Workshop
samedi 18 octobre 2025 / Samstag, 18. Oktober 2025, 14:30

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Kirchner x Kirchner
Kunstmuseum Bern
12.9.2025–11.1.2026

Commissaire d’exposition : Nadine Franci

Catalogue d’exposition : Kirchner x Kirchner, édité par Nina Zimmer et Nadine Franci, Hirmer Verlag, München 2025. Avec des contributions de Nadine Franci et Katharina Neuburger ainsi qu’une préface de Nina Zimmer

Conception visuelle de l'exposition : Atelier Arbre

Audioguide
Réalisation : tonwelt GmbH

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Mise en œuvre : NETNODE AG
Projet : Andriu Deflorin, Cédric Zubler
 

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